samedi 27 octobre 2007

Écrire sur le bonheur

Développer notre esprit critique est l’un des objectifs du cours auquel j’assiste chaque semaine à l’université. Et la chargée de cours nous y incite fortement, en plus de nous exhorter à nous cultiver pour, justement, amener de l’eau à notre moulin. Parce que, pour argumenter et étayer sa position, il faut pouvoir se référer à quelque chose.

L’esprit critique, je crois que je l’ai toujours eu. La culture, je tends à y accéder et j’ai la chance d’avoir, justement, la possibilité de tremper dans le milieu littéraire où il se passe beaucoup de choses. Par contre, je ne cours pas les musées et je ne vais pas souvent au théâtre. La danse, je m’y suis toujours intéressée, mais les nouvelles tendances me laissent un peu tiède. Je suis une bonne consommatrice de musique, j’achète régulièrement des CD ou je télécharge des fichiers pour lesquels je paie, naturellement. Je vais régulièrement au cinéma et je suis abonnée à deux clubs vidéo. J’aime l’art et je me passionne pour le monde de l’illustration. Je suis curieuse et je me plais à discuter sur tous les sujets.

Alors, lorsque la chargée de cours nous a présenté le sujet de l’examen intra – nous devions rédiger un texte d’une vingtaine de lignes en classe – j’ai été un peu étonnée. Il fallait écrire sur le bonheur. Nous avions une heure pour le faire, ce qui, vraisemblablement, était raisonnable, bien que plusieurs aient manqué de temps pour terminer leur texte.

Lorsque j’ai quitté la classe, ce soir-là, je me sentais terriblement mal à l’aise. Jusqu’ici, j’ai réussi tous mes cours avec de bonnes notes. Mais là, les deux travaux que j’ai remis ont été notés sévèrement. Donc, je m’inquiétais pour cet examen qui compte pour 40 pour cent de la note finale. J’avais, pour la première fois, l’impression que j’allais échouer.

Parce que le but de l’exercice était d’écrire ce qu’est, pour nous, le bonheur. Et dans cette classe, devant cette page blanche, je me suis sentie totalement en manque d’inspiration. Je ne me suis donné ni le droit de me laisser aller ni le temps de réfléchir. J’ai tenté de rédiger un plan rapidement et j’ai commencé à écrire en réalisant très vite que j’étais incapable de le suivre. Bref, ce fut une expérience catastrophique.

C’est dire à quel point j’étais anxieuse de recevoir ma note, et surtout de lire les commentaires sur mon texte. Tout à fait pragmatique, la chargée de cours a rappelé les règles et déclaré que si les consignes avaient été respectées, il fallait s’attendre à une note honnête. C’est ce que j’ai eu. Une note honnête, des commentaires brefs et justes, un résultat somme toute acceptable.

Cette expérience m’a fait réfléchir, justement, sur le sens que j’accorde au bonheur. Et comme par hasard, je suis tombée sur un livre qui traite du sujet de façon particulière. On y raconte que nos gènes seraient responsables à 80 pour cent de notre capacité à être heureux. L’extraversion, la stabilité émotionnelle, l’amabilité et le caractère consciencieux seraient en partie déterminés par nos gênes et constitueraient des éléments déterminants à l’atteinte du bonheur. Pour ce qui est du 20 pour cent restant, c’est là que notre créativité entre en scène…

Quelques affirmations ont retenu mon attention dans ce texte. Par exemple, des psychologues révèlent que « la polarisation excessive sur des projets d’avenir » représente un potentiel de déception susceptible d’entraver l’atteinte du bonheur. Par contre, des recherches ont démontré que « les personnes les plus heureuses sont celles qui parviennent à s’absorber dans des tâches qui mobilisent toutes leurs ressources d’attention, sans penser à demain ni à hier ». Autrement dit, vivre l’instant présent et en savourer chaque seconde en se consacrant à ce qu’on aime. Voilà la clé – ou du moins l’une des clés – du bonheur.

Je pourrais disserter certainement longuement sur le sujet, ironiquement. Parce qu’une petite heure et une vingtaine de lignes m’ont vraiment laissée sur ma faim. Je n’ai pas exprimé, avec sincérité, ce qu’était pour moi le bonheur. Et je ne saurais peut-être pas encore le faire aujourd’hui.

Parce que je suis, fondamentalement, une personne triste. Je ne sais pas si c’est génétique, mais c’est une situation que je gère aujourd’hui très bien. J’ai appris à vivre avec cette petite fille blottie au fond de moi, qui a chaussé trop vite des souliers d’adulte pour marcher dans le monde des grands. Ma consolation, mon grand bonheur à moi, c’est de permettre à ma fille de s’épanouir, et de la voir grandir et franchir les étapes sans avoir besoin de faire des pas de géants.

Le bonheur, je l’entends chanter par Félix Leclerc, je me le laisse raconter par Yvon Deschamps, je le lis dans les livres de Marie Laberge. Au fond, c’est un bien beau personnage.

samedi 13 octobre 2007

Rendez-vous manqué

Les engueulades servent à quelque chose. Elles servent à se positionner par rapport à ses valeurs, à s’affirmer, à se faire respecter. Chacun a le droit de s’exprimer. Chacun a le droit de défendre ses positions et de ne pas céder. Chacun a le droit, aussi, de prendre le temps de réfléchir et de se remettre en question.

La colère est un signe et un moyen de défense. Elle nous indique que quelque chose en nous vient d’être suffisamment heurté pour provoquer un choc. La surprise, la soudaineté de l’événement qui se produit et qui dérange ou perturbe ne nous laissent pas le temps de réfléchir et d’analyser pour modérer notre réaction, qui tôt ou tard devra bien se manifester de toute façon. Alors, lorsque l’étincelle allume la mèche, l’explosion est difficilement évitable.

Voilà une bien belle analyse de ce qui vient de se produire, ce matin, alors que nous visitions le Salon de la formation et de l’emploi, mon copain, ma fille et moi. Nous n’avions certes pas les mêmes attentes et les mêmes besoins, alors nous avons décidé de nous séparer pour la visite. Nous nous sommes donné rendez-vous une heure plus tard à l’entrée. Ma fille et moi avions deux kiosques à visiter ensemble, ce que nous avons fait rapidement. Au premier, petit et modeste, nous avons été accueillies par une conseillère très bien informée qui a répondu à toutes nos questions. C’est ce qui comptait le plus pour ma fille, puisque c’est à ce collège qu’elle veut faire une demande d’admission dans quelques mois. Le deuxième kiosque, fastueux, occupait quatre fois plus d’espace que le premier. Toutefois, la visite nous a permis de constater que dans ce genre d’événement, l’apparence ne vaut rien quand personne ne peut répondre intelligemment à nos interrogations.

Avec des rendez-vous en poche pour une visite à chacun de ces collèges, ma fille avait terminé sa visite et elle m’a quittée pour me laisser le temps de compléter la mienne, me rappelant qu’elle m’attendait à l’heure et au lieu convenus. Une demi-heure plus tard, je la retrouvais sagement assise en train de feuilleter le journal. J’avais complété ma visite et constaté, malheureusement, qu’il manquait l’essentiel à ce Salon, des personnes compétentes et bien informées qui auraient eu réponse à tout. Mais bon, je suis tout de même rentrée avec beaucoup de paperasse et un rendez-vous, moi aussi, à une journée portes ouvertes.

Nous avons discuté un peu et nous avions hâte de quitter cet endroit, alors les quelques minutes de retard que mon copain accusait commençaient à nous agacer. Je suis une personne qui apprécie grandement la ponctualité, et je suis passablement tolérante lorsque quelqu’un, pour une bonne raison, arrive avec dix ou quinze minutes de retard. Nous avons donc attendu quinze minutes. Puis, nous avons décidé de faire un dernier tour du Salon avant de partir. Mon copain discutait tranquillement avec un des exposants, sans se soucier le moins du monde de son retard, feignant même de ne pas se rappeler que nous avions fixé une heure de rendez-vous.

Ben là! Comme dirait Daniel Pinard, y’a toujours ben des limites! Ce n’est pas mon genre de rester calme dans ce type de situation. Un, je déteste attendre; deux, je pardonne difficilement les retards injustifiés; trois, je me mets immédiatement en colère lorsque je constate qu’on me manque consciemment de respect.

Voilà, c’est une situation banale, mais elle a un peu gâché le plaisir de cette sortie à trois. Néanmoins, j’ai passé l’éponge parce que j’ai validé ma réaction auprès d’une tierce personne, en l’occurrence ma fille, qui a comme moi perçu comme un acte fautif la nonchalance avec laquelle mon copain a agit en ne nous respectant pas, elle et moi. La notion de respect est bien peu comprise de la plupart des gens. Un de ses aspects, c’est de ne pas imposer une situation désagréable aux autres lorsqu’elle peut facilement être évitée.

Je sais reconnaître mes erreurs et, aujourd’hui, je sais aussi reconnaître mes besoins. Ce n’est pas anodin. Dans le mot reconnaître, il y a le mot connaître. Il y a les notions d’indentification et de distinction. Il y a cette grande satisfaction de savoir et de comprendre pourquoi on pose tel ou tel geste ou on ressent telle émotion. Ma colère, je la rends légitime parce que je l’explique, je la comprends et je l’exprime modérément. En fait, j’exprime mon désaccord. Je m’affirme, je me mobilise pour me faire respecter.

Voilà une analyse personnelle à laquelle je me livre rarement. C’est important pour moi ce que je viens d’écrire. Et si ça peut aider ou toucher quelqu’un, ce ne sera pas en vain que je l’aurai écrit.

lundi 1 octobre 2007

Elles

J’avais envie d’une promenade par ce beau dimanche ensoleillé. Je suis sortie avec mon livre sous le bras. Je n’ai qu’à traverser la rue pour me retrouver dans un parc, où de grands bancs font face à la rivière. Beaucoup de marcheurs, des personnes âgées pour la plupart, fréquentent cet endroit. On a l’impression de se retrouver dans le village du troisième âge, où les habitants se déplacent un peu plus lentement qu’ailleurs. C’est apaisant et très reposant.

Les bancs sont tous occupés. Sur d’entre eux, j’aperçois deux jeunes filles, presque jumelles, qui se serrent très fort dans les bras l’une de l’autre. Elles semblent terriblement heureuses, comme si elles célébraient des retrouvailles. Puis je les vois s’embrasser. Passionnément. Le spectacle m’intrigue et me gêne un peu. Je m’interroge sur ce malaise. Je m’éloigne, et les jeunes filles disparaissent derrière un arbre lorsqu’un banc se libère, sur lequel je m’installe pour lire.

Je me demande si elles sont parties lorsque je me lève une heure plus tard pour reprendre ma promenade. Puis je les aperçois, un peu plus loin, assise par terre cette fois-ci, sous un saule pleureur. Elles sont toujours enlacées. Elles sont amoureuses. Elles n’ont rien à cacher.

J’ai poursuivi ma promenade dans les rues du voisinage. Je pensais à elles, si libres, insouciantes, si naturelles. Et je me suis dit qu’elles n’avaient aucune raison de ne pas montrer au monde entier que cet amour existe.