dimanche 13 janvier 2008

Plonger dans une belle aventure

Je dois trouver un sujet pour la rédaction d’un article, dans le cadre du dernier cours qui me permettra de décrocher, enfin, mon certificat. Ces études entreprises il y a cinq ans m’ont apporté énormément. D’abord, la confiance en moi et en mes capacités, ensuite, une plus grande ouverture d’esprit et un meilleur jugement. J’ai toujours eu l’esprit critique. Aujourd’hui, je sais qu’on ne peut pas affirmer sans s’appuyer sur des arguments solides. Sinon, à quoi bon? En parlant de son père, Marie Laberge racontait que cet homme lui avait enseigné, justement, à ne jamais parler sans savoir. Je pense que c’est une belle leçon.

Ma fille doit, elle aussi, préparer un travail pour son cours de français. Elle a choisi le difficile sujet de la médiatisation des événements entourant les tueries dans les écoles. Elle a peur de ne pas être à la hauteur. Je l’encourage et lui suggère des pistes. Elle aussi, au fond, a besoin d’accumuler les réussites pour regagner la confiance en elle qu’elle a perdue un peu. Les déceptions amoureuses ont cette manie de nous faire sentir si petite. Et pourtant. Je prie aujourd’hui pour qu’elle rencontre un garçon digne de ses aspirations, qui saura l’aimer et la respecter.

Elle arrive petit à petit à surmonter sa peine. Les larmes et la colère ont dominé ces deux dernières semaines. Je suis un peu soulagée de passer le relais à son père. Lui, n’a pas ces excès de sensibilité qui me font souffrir et qui créent, malgré moi, des angoisses qui m’empoisonnent la vie. Je finirai bien par guérir. Je sais que je n’y arriverai pas seule. J’ai besoin de l’aide de ceux qui m’aiment.

Je dois donc me plonger dans un travail intense qui durera encore quelques mois. Au printemps, j’aurai terminé. Je m’accorderai une semaine de vacances pour me consacrer entièrement à cet article, que je souhaite terminer assez tôt. Pour avoir le temps de le laisser dormir quelques jours, et ensuite y revenir pour effectuer les dernières corrections. Je serai supervisée par un tuteur dont j’attends la confirmation – une chance exceptionnelle, a-t-on souligné au premier cours. Ce sera une belle aventure.

vendredi 4 janvier 2008

Casser

Quand j’étais adolescente, on employait le mot « casser » pour annoncer la rupture à son amoureux du moment. On cassait aussi souvent qu’on acceptait de « sortir » avec quelqu’un. Ces relations sans lendemain devenaient, en quelque sorte, un entraînement pour nos relations futures, cette fois-ci plus sérieuses.

La rupture que ma fille est en train de vivre, qu’elle soit définitive ou temporaire, me ramène à certaines expériences pénibles que j’ai vécues au cours de ma vie. Et à la voir ainsi, hésitante, ne sachant pas si elle doit réellement croire que c’est fini ou si elle doit encore espérer, je ne peux m’empêcher de me rappeler que pour moi aussi ça n’avait pas été facile, la première fois.

Aujourd’hui seulement, je sais que quand le moment est réellement venu, la rupture se fait plus facilement. Les déchirements sont, en quelque sorte, un signe que l’amour n’a pas dit son dernier mot. Malheureusement, pour que le lien tienne le coup, il faut une volonté commune. Pour l’instant, je ne sais pas si c’est le cas en ce qui concerne ma fille et son copain.

Il m’arrive parfois de me demander si je suis une mère « normale ». Je suis très attachée à ma fille – je suppose que c’est le cas de la majorité des mères – et je déteste la voir souffrir. Je m’efforce de l’encourager, je tente de l’aider à franchir les étapes, sans chercher à l’influencer dans ses décisions. J’essaie de faire de mon mieux pour atténuer sa peine.

Ma fille est introvertie et se confie rarement. Quelques mots ici et là me laissent entendre qu’elle réaffirme sa position. Elle s’entoure d’amis et sort beaucoup. Le tourbillon dans lequel elle est plongée depuis quelques jours m’étourdit un peu. Littéralement. Mes vertiges ont repris et leur intensité m’inquiète un peu.

Au travail, j’ai retrouvé un patron dont l’état de santé ne s’améliore pas. Il doit subir une opération dans quelques jours et sera absent pour trois semaines. Je devrai tenir la barre comme je l’ai fait à plusieurs reprises dans le passé. Ça ne m’inquiète pas vraiment. Ce qui m’inquiète, c’est lui. (Cesse donc te t’inquiéter pour les autres et pense un peu à toi!) Oui, je sais. Mais je suis en train d’assister à la transformation de cet être autrefois jovial et positif en quelqu’un d’anéanti qui n’a plus aucune envie d’être là. Une sorte de dépression majeure je suppose. Bon, c’est un homme fort, il finira bien par s’en sortir. Au fond, que puis-je faire de plus que de lui insuffler de temps en temps un peu de joie de vivre ?

Au fond, peut-être que ce qui fait de nous, les parents, des personnes différentes, c’est justement le fait que nous pensions plus aux autres qu’à nous-mêmes. Je revois ma mère sacrifier sa portion de viande pour l’ajouter à mon assiette, comme si c’était tout naturel pour elle de se priver alors que son petit oiseau ouvrait grand son bec. Cette image, comme tant d’autres, m’a frappée et m’a permis de comprendre à quel point une mère pouvait s’oublier pour son enfant.
Casser, c’est aussi se séparer de quelqu’un qu’on aime pour voler de ses propres ailes. La première séparation, je l’ai vécue en quittant la maison familiale. Je me souviens très bien des sentiments que j’ai éprouvés lorsque j’ai annoncé à ma mère que j’allais vivre en appartement. J’avais dix-huit ans.

Deux ans plus tard, c’est de mon copain, avec qui je vivais une relation amoureuse depuis quatre ans, que je me séparais. Le choc a été immense, mais nous nous sommes retrouvés quelques mois plus tard pour entreprendre un voyage. Un périple qui a duré un an. Une véritable épreuve pour un couple…

Quelques années ont passé et nous nous sommes séparés pour de bon. Ce fut un long processus qui m’a fait comprendre que je ne savais vraiment pas comment aimer. Je suis restée seule plusieurs années, jusqu’à ce que je rencontre le père de ma fille. La naissance de ma fille m’a plongée dans un tourbillon où je n’ai pas vu le temps passer. Si bien que lorsque je me suis retrouvée à quarante ans, j’ai réalisé que je ne pouvais plus continuer à m’oublier de la sorte. J’avais l’impression que j’allais disparaître.

Au cours de ma séparation, j’ai rencontré mon copain actuel avec qui j’ai entrepris une relation un peu compliquée à ses débuts. Pendant ces années, nous avons beaucoup changé et évolué. C’est le plus beau de cette histoire. Ces changements et cette évolution ne sont pas venus sans heurt. Il y eu, en cours de route, une rupture qui m’a particulièrement mise en état de choc. Cette fois-ci, j’ai plongé en moi-même pour mieux comprendre la souffrance démesurée que j’éprouvais. Ce journal, que j’écris depuis, m’a aidée énormément à reprendre contact avec moi-même.

Aujourd’hui, je suis moins dépendante de l’affection des autres et je souffre moins. Ce mieux-être n’a pas été gagné sans peine. Il me reste maintenant à guider ma fille dans sa vie d’adulte et à me détacher de ce bébé que j’ai vu grandir trop vite. J’y arriverai, comme pour le reste. Sans tout casser.

mercredi 2 janvier 2008

Du gris sur fond blanc

L’année 2008 s’est faufilée en douceur. Le tapis de neige duveteuse qui recouvre la ville a de quoi réjouir les amateurs de plein air. Cette dernière journée de vacances pour moi est passée trop vite.

Mon souper d’anniversaire a été mémorable. Ma fille et son copain ont tenu leur promesse : ils sont venus préparer le souper. Pour la première fois, je les ai vus comme un petit couple qui n’avait pas besoin de moi pour les aider pour faire la cuisine. C’était charmant. Pendant le repas, je regardais ma fille fixer un regard terriblement amoureux sur son copain qui a très bien joué son rôle de cuisinier pour l’occasion. Je me sentais comblée de la voir si heureuse. Le jeune homme nous a quittés après le repas, prétextant un rendez-vous avec sa grand-mère. Une fois la vaisselle terminée, ma fille s’est retirée dans sa chambre.

Tout est arrivé si vite que je n’ai pas compris tout de suite pourquoi elle frappait son clavier d’ordinateur, complètement en furie, pleurant et criant à la fois. C’est plus tard qu’elle a réussi à me dire que le courriel qu’elle venait de lire et qui l’a mise dans cet état lui révélait que son copain, qui venait tout juste de partir, entretenait une relation avec une autre fille.

Jamais je n’ai vu ma fille aussi désemparée. J’ai dû la retenir pour ne pas qu’elle sorte dans cet état, essayant de comprendre ce qui se passait tout en tentant désespérément de la calmer. Puis, les conversations téléphoniques se sont succédées, accentuant la force de la crise au lieu de la diminuer.

Ce triste événement a jeté un voile sombre sur cette soirée qui avait si bien commencé. Plus tard, ma fille est allée se réfugier chez des amis pour apaiser sa peine. Nul doute que je n’étais pas nécessairement la bonne personne, ce soir-là, pour la consoler, même si j’ai souhaité qu’elle reste avec nous, comme prévu, au lieu de s’en aller.

Le lendemain nous avons discuté. Ce premier amour représente beaucoup pour elle. Le jeune homme, quant à lui, a eu une vie fort difficile jusqu’ici et, de toute évidence, n’a pas atteint le même degré de maturité que celui de ma fille.

Ce sont ses valeurs à elle qui comptent. Et la fidélité en fait partie. Elle lui a déjà pardonné dans le passé, mais cette fois-ci, c’est la goutte qui a fait déborder le vase. Même si je ne peux prédire l’avenir, j’espère qu’elle maintiendra sa décision de ne plus le revoir, du moins pour un certain temps.

Il va sans dire que le nouvel an a été moins joyeux qu’il aurait dû être. J’espère que l’année 2008 effacera vite cette peine et que ma fille pourra tourner la page

Je retourne au travail demain. Je n’en ai pas envie, même si je sais que la routine prendra le dessus et m’aidera à effacer ces mauvais moments de ma mémoire.