lundi 18 février 2008

Chacun sa faute

Je me mords les lèvres pour ne pas éclater et cracher mon venin. Jour après jour, des écrivains haussent le ton pour dire au Québécois qu’ils ne parlent pas bien le français, ou qu’ils n’ont pas le droit d’apprendre l’anglais. Faudrait s’entendre non? Moi, je suis personnellement outrée. Ici, dans l’immeuble où j’habite, le concierge a écrit une note qui s’adresse aux locataires, dans laquelle il a malheureusement commis plusieurs fautes d’orthographe (pas d’autographe, comme dirait la ministre Courchesne). Un gentil locataire a gribouillé sur sa note un gros « LOI 101 », comme si la loi servait à sanctionner les fautes d’orthographe. Non mais ! Pincez-moi quelqu’un!

Mon œil de correctrice passablement indulgent envers les gens qui ne font pas le métier de rédacteur avait bien décelé ces erreurs orthographiques. Mais jamais je ne me serais permis de corriger ces fautes, par respect pour la personne qui a pris la peine de rédiger la note et dont le métier n’exige pas nécessairement de connaître la grammaire sur le bout des doigts. Parlant de doigts, je connais un garçon qui a déjà dit à son père qu’il se couperait les doigts si celui-ci l’obligeait à finir son secondaire. Le jeune homme voulait être camionneur et détestait l’école. Aujourd’hui, il a encore ses dix doigts parce que son père a compris que son fils avait un métier et qu’il n’avait pas envie de devenir écrivain… Mais ça, c’est une autre histoire.

Je n’aime pas Victor-Lévy Beaulieu parce que je le trouve prétentieux et qu’il agit comme un terroriste qui ne sait plus où donner de la bombe. Ses colères et ses coups de gueule ne m’impressionnent pas. J’ai honte pour lui. Quant à Sergio Kokis, qui hier a suggéré que Pauline Marois avait besoin de passer un test de français (qu’est-ce qu’ils ont tous à s’en prendre à elle tout à coup?) et qui a insinué que le français n’avait pas évolué au Québec, et bien je lui suggère de visionner quelques archives de Radio-Canada pour constater combien, dans les médias comme dans la rue, notre langue a évolué à mesure que nous avons eu accès à l’éducation. Et c’est bien là la clé de la porte que Monsieur Kokis n’a pas encore ouverte, celle de l’esprit (ouverture de l’esprit, tsé veux dire).

Et je termine en appuyant Madame Marois, que je respecte, lorsqu’elle suggère que l’enseignement de l’anglais au primaire devrait se faire par l’immersion, en fin de parcours. J’ajouterais qu’il devrait aussi demeurer un choix pour l’élève et non une obligation. Il y a quelques années, du haut de ses dix ans, ma fille a déclaré « l’anglais, c’est important pour mon avenir » et a choisi le programme intensif en anglais pour terminer son primaire. J’aurais préféré qu’elle choisisse les arts, mais je me suis pliée à sa décision. Cet avenir ne m’appartient pas, c’est le sien.

L’apprentissage et l’amélioration de la qualité du français passent par l’écriture, la lecture, la culture. Je ne pense pas que cet écrivain soit la bonne personne pour juger de l’ensemble des aptitudes de la population québécoise à bien parler sa langue. Cette langue, justement, c’est la nôtre. Ce qui veut dire qu’elle a le bleu du fleuve, le froid de l’hiver, le craquement du verglas… Elle chuinte, elle sile, elle crisse, elle grince, elle respire, elle vit. Et tout ce qui est vivant doit bouger. Ceux qui veulent rester sur place n’ont qu’à bien se tenir.

dimanche 3 février 2008

Voyagement

Plongée dans les récits de voyage des autres (pour mon travail universitaire), je pense au prochain voyage que je ferai : mon déménagement. Mon copain, déjà contacté par son propriétaire pour le renouvellement de son bail, m’interroge du regard comme pour se convaincre que notre décision est solide : nous allons vivre ensemble. Pour moi, il n’y a aucun doute que je quitterai cet appartement, où je ne peux plus supporter l’obscurité et le bruit : les pleurs des bébés presque toutes les nuits, les cris des parents qui s’engueulent dans une langue que j’ai le bonheur de ne pas comprendre et les pas des voisins d’en haut qui résonnent à l’heure du coucher. J’ai envie de silence, de lumière et de paix.

Je comprends son inquiétude. Nous avions convenu, depuis quelques années déjà, que vivre ensemble n’était pas nécessaire pour être unis. Et je le pense encore. Notre relation a mûri, et au fil des ans nous avons changé beaucoup. Et si nous sommes demeurés ensemble, c’est peut-être aussi parce que nous avons évité d’établir cette routine dès le départ. Aujourd’hui, je me dis que nous sommes suffisamment matures pour éviter les pièges de l’abrutissement. Nous sommes des êtres autonomes.

C’est cette même autonomie que je retrouve dans mes lectures, chez les enfants qui, avec leur famille, font le tour du monde. Ce sujet passionnant, que j’ai choisi de traiter dans un article que je produirai comme travail pour terminer mon certificat, n’a pas encore fini de m’étonner. Les voyageurs sont définitivement des êtres qui font preuve d’une ouverture d’esprit hors du commun. Et leurs enfants deviennent des adultes d’exception.

Bien sûr, tous les enfants n’ont pas la chance de faire le tour du monde. Ceux qui l’ont devraient se donner pour mission de partager avec les autres ce qu’ils ont appris et ce qu’ils retiennent de cette fabuleuse aventure. Au retour, certains adultes ont de la difficulté à s’adapter à « la vie normale ». Les enfants, eux, reprennent plus facilement là où ils ont laissé.

C’est dans cette capacité d’adaptation que nous devrons puiser, mon copain et moi, pour bien vivre ce changement que nous vivrons bientôt. À l’exemple de ma fille, qui n’a jamais rouspété au cours des nombreux déménagements de son père et qui ne m’a jamais reproché d’avoir gardé le même appartement pendant tant d’années. Entre les deux, elle a trouvé son équilibre. Bientôt, ce sera elle qui mettra les voiles.