samedi 29 novembre 2008

Blanche colombe, noir corbeau

Il y a des moments dans la vie où tout bascule. Où la douceur de vivre disparaît, pour faire place à un cauchemar sans fin. Où tout ce qui semblait facile devient si compliqué qu’on perd tous ses repères et que plus rien ni personne ne semble pouvoir nous aider à sortir de cette noirceur qui, tout à coup, s’est abattue sur nous. Où le mal l’emporte sur le bien.

Il n’y a rien de pire au monde que celui qui clame son innocence, sa bonté, son honnêteté, et qui, par ses actes, démontre à quel point un abominable instinct de possession et de domination peut engendrer un monstre. Un monstre dangereux, qu’il faut fuir.

Oui, il y a des êtres qui souffrent. Oui, il y en a qui n’ont pas eu de chance dans la vie et qui, très jeunes, ont dû se battre pour assurer leur survie dans un monde où tout leur paraît menaçant parce qu’ils n’ont jamais été protégés, supportés.

J’ai vu, ce matin, un homme qui arrivait à peine à se tenir sur ses jambes et qui, dans un quartier pourtant aisé, s’est installé sur un banc public pour renifler sa poudre. Aux yeux de tous, tôt le matin; un enfant aurait pu se trouver là pour attendre l’autobus. Et personne ne fait rien. Comment peut-on en arriver là?

Je me suis dit que cet homme agissait ainsi dans le but probable de se faire arrêter. Dans le but que quelqu’un s’occupe enfin de lui. Et je me désolais de son triste sort.

Est-ce pour la même raison que le prince charmant s’est transformé en monstre et a blessé mon ange, ma colombe? Est-ce parce qu’il souffre trop et qu’il espère, en secret, qu’on le mette en cage pour qu’enfin il puisse rugir et crier toute sa haine au monde entier?

Il a provoqué une véritable tempête. Et moi, je n’avais pas vu venir. J’aurais dû la mettre à l’abri. J’aurais dû comprendre qu’un ciel gris et sombre annonce un orage et qu’il vaut mieux prévenir et se réfugier. Ne pas prendre le risque. Ne pas croire les mensonges. Dieu que j’ai été naïve.

Mais le mal est fait. Il a laissé des marques.

C’est dans ces moments les plus difficiles qu’on reconnaît les êtres d’exception. J’ai le bonheur extrême d’avoir trouvé celui qui, pour moi, a rassemblé tous les morceaux pour que le miroir cassé ne blesse plus personne. Au moins, les gros morceaux sont ramassés et mis hors d’état de nuire. Mais les éclats, même microscopiques, peuvent encore blesser. Il faudra être vigilants.

À ses côtés, ce soir, je dormirai paisiblement. Pendant que dans l’autre chambre, ma petite colombe sera bien seule, mais hors de danger. Je prie pour que plus jamais l’horrible corbeau noir ne vienne perturber ses rêves. Je prie pour qu’elle n’ouvre plus sa fenêtre. Je prie pour qu’elle ne le laisse plus jamais entrer. Je souhaite qu’il s’envole très loin, qu’il s’envole à jamais.

dimanche 23 novembre 2008

Une chanson, un rhume, un Salon

La semaine dernière, j’assistais à un atelier d’écriture intitulé « Samedi d’écrire une chanson ». Après quelques minutes d’échange avec l’animateur et les présentations d’usage, celui-ci nous a tout de suite invités à écouter une mélodie et à écrire, selon un schéma proposé, un premier jet qu’il allait corriger. Nul besoin d’ajouter qu’il ne s’agissait pas d’un cours théorique. Cet atelier était basé sur l’expérimentation et la pratique.

Plongés dans cet univers musical inspirant - l’animateur fredonnait la mélodie en boucle en s’accompagnant à la guitare -, les participants se sont vite mis à écrire. Certains, troublés par l’ambiance un peu froide du local très éclairé et par la présence des autres, se sont isolés pour mieux se concentrer. Quelques minutes plus tard, les premiers jets étaient déjà présentés.

Après avoir lu rapidement le texte, l’animateur tentait un premier essai. Parfois, la rencontre était heureuse et les mots de l’auteur s’accordaient rapidement à la musique du compositeur. Dans certains cas, le territoire de l’un était trop grand pour le vocabulaire timide de l’auteur : il fallait prendre un peu plus d’espace, ajouter des mots, dire autrement. Ou alors, c’était l’auteur qui voulait en dire trop et ses mots se bousculaient sur la mélodie, obligeant l’interprète à en escamoter, à couper, et l’auteur à effacer et reformuler. Ce travail, de courte durée mais tellement essentiel, a révélé à chacun l’importance de cette relation entre l’auteur et le compositeur, pour arriver à un résultat fort satisfaisant compte tenu du peu de temps que nous avions.

Dans mon cas, j’ai constaté que mon oreille fine, mon sens du rythme et ma mémoire auditive m’ont grandement facilité la tâche. J’étais assez fière du résultat. À la fin de la journée, une douzaine de chansons étaient nées, toutes différentes, même si elles avaient la même musique en commun. Nous étions tous ravis de l’expérience.

****


Très occupée au travail, je n’ai pas vu la semaine passer. Un petit rhume est venu me narguer, mais je l’ai vite mis K.-O. avec un produit que j’expérimente pour la deuxième fois. Et je dois avouer que ça marche. Si bien que je me sentais d’attaque pour aller faire ma petite visite annuelle au Salon du livre. Juste avant, j’ai fait un saut au centre commercial pour m’acheter une bonne paire de bottes – elles sont fabriquées au Canada, chaudes et imperméables – et un grand sac fourre-tout.


Armée de ma caméra, j’avais décidé de prendre des photos, mais je me suis vite rendu compte que la foule était bien trop dense pour cette activité. Alors, je suis partie à la chasse aux auteurs. Parce que le Salon, c’est avant tout la rencontre entre le lecteur et l’auteur. Et pour un lecteur, avoir le privilège de rencontrer un auteur et d’échanger avec lui est une occasion trop rare. Il faut en profiter.

Et des auteurs, il y en avait beaucoup. J’ai croisé le maire de Montréal, alors que je déambulais avec ma fille entre les kiosques, et j’ai trouvé l’homme très élégant. J’ai eu aussi le bonheur de rencontrer Julie Gravel-Richard, auteure d’Enthéos, avec qui j’ai échangé quelques minutes pour lui dire, de vive voix, combien j’avais apprécié la lecture de son roman. Si j’arrive, petit à petit, à me guérir de cette timidité maladive qui m’empêchait autrefois d’approcher les gens, chaque pas vers les autres, même s’il m’apporte un réel plaisir, me demande tout de même un effort. Et j’ai été heureuse d’apprendre, au cours de cette discussion, que Julie était aussi une personne timide en voie de guérison.

Même si je n’ai pas lu Folco, je n’aurais pour rien au monde raté l’occasion d’aller prendre une photo de l’auteur à succès, dont mes amis, et aussi mon chum, dévorent tous les livres. J’ai trouvé l’homme très beau, et on m’a dit qu’il était d’une grande générosité.

J’ai croisé de vieilles connaissances tout en me rendant au kiosque des Éditions Septentrion, où je m’étais promis d’aller chercher mon macaron et une copie des Chroniques d’une mère indigne, que son auteure a gentiment dédicacé à la belle-fille de ma sœur, tout en rigolant de l’anecdote que je lui ai racontée en guise d’introduction. Encore une fois, il fallait que je surmonte ma timidité, car l’anecdote est plutôt cocasse, mais je savais que Mère Indigne allait s’en amuser. C’est que cette jeune mère (la belle-fille de ma sœur, donc la femme de mon neveu, dont le bébé devait à l’époque avoir quelques mois) s’était réfugiée dans la salle de bains pour lire en paix quelques pages des Chroniques, bien installée sur le trône… Mais dans un mouvement tout à fait involontaire, elle laissa s’échapper le livre… qui termina sa course dans la cuve des toilettes. Elle n’a donc jamais pu terminer la lecture et c’est avec regret qu’elle se confondait en excuses, promettant de remplacer l’exemplaire irrécupérable. Comme elle ne l’a pas fait, je vais donc lui offrir un exemplaire dédicacé et, croyez-moi, la dédicace en vaut la peine!

J’ai suis repartie comblée, non sans avoir déclaré mon admiration à Caroline et à Pierre-Léon (Un taxi la nuit), qui m’ont assurée que leurs tomes deux étaient en route… Bien hâte de les lire.

Je suis allée retrouver ma fille au kiosque tout près, et à sa mine un peu moche j’ai vite compris qu’elle avait attrapé mon rhume… un rhume… le rhume du Salon.

samedi 8 novembre 2008

Montagnes russes

Le poids de l’automne et de ses jours pluvieux et gris commence à peser, malgré le temps doux des derniers jours. Cet été indien n’aura pas réussi à me faire oublier qu’il arrive lui, l’hiver tant redouté. Chaque année, il me pèse de plus en plus.

L’exercice est ma seule issue, en ces temps de grand stress où l’atmosphère au travail est terriblement lourde. Entre les départs et les congés de santé (après tout, on ne prend pas un congé pour être malade, mais bien pour revenir en santé non?), il y a ceux qui rament deux fois plus vite pour que le bateau continue d’avancer. Et il avance, encore. Même si le capitaine semble trop souvent avoir quitté la barre ou ne pas savoir comment maintenir le cap. Bon, assez de métaphorisation… Donc, l’exercice me sauve la vie. Quand je m’entraîne, j’oublie tout, mon esprit s’envole, je décroche, je suis bien.

Je suppose que cet état ressemble à celui qu’on atteint pendant la méditation. Sauf que la méditation, c’est statique. Et moi, rester sans bouger plus de cinq minutes, j’en suis incapable. J’ai déjà essayé. Rien à faire.

Chaque jour de cette première semaine de novembre, j’ai pensé à ma fille. À sa naissance, il y a dix-huit ans déjà. Tout juste un mois après le décès de ma mère. Ces jours-là, je ne les oublierai jamais. Passer de la plus grande peine à la plus grande joie, en quelques jours, c’est comme faire un tour en montagnes russes sans ceinture de sécurité. On ne sait jamais quand on va tomber.

J’en ai voulu à la vie de m’avoir enlevé ma mère avant qu’elle n’ait pu voir sa petite-fille. Si petite, si fragile. J’aurais aimé lui dire, à cette mère de qui j’aurais tant souhaité me rapprocher, mais de qui je m’étais terriblement éloignée année après année, que cette naissance m’avait apporté le plus grand des bonheurs. Mais aussi, que cette naissance avait ouvert une porte dans mon cœur, une porte qui s’était refermée.

J’aurais aimé voir ma fille dans les bras de ma mère, et voir ma mère déposer un baiser sur le front de mon enfant. J’aurais voulu l’entendre chanter « C’est la poulette grise » et la regarder bercer mon bébé. J’aurais voulu qu’elle la voie grandir et qu’elle sache aujourd’hui combien elle est devenue une belle personne.

C’est en pensant à ça, mais aussi en pensant à ce que représentent ces dix-huit années qui sont passées trop vite, que j’ai pleuré cette semaine.

J’aurais une chose à dire aux parents qui vivent difficilement la crise d’adolescence de leurs enfants : ça passe! Et Dieu merci, ça passe vite. Et c’est vrai qu’on oublie. Et un seul conseil : ne coupez jamais la communication. Maintenez-la coûte que coûte, même dans les pires moments, surtout dans les pires moments.

Ça fait du bien de l’écrire!

dimanche 2 novembre 2008

Mon point H

Nous avions invité ma sœur et son mari au spectacle d'André Sauvé, hier, à la Salle André-Mathieu. Un petit souper au resto juste avant nous a permis de nous détendre et d’oublier un peu les tracas d’une semaine chargée. Pour une fois, nos invités se sont laissés gâter sans rouspéter. Il faut dire que ma sœur est d’une générosité sans borne, mais lorsqu’il s’agit de la remercier, d’une manière ou d’une autre, il faut user de ruse car elle refuse systématiquement toute forme de compensation monétaire. Nous étions, mon copain et moi, heureux d’avoir opté pour cette combinaison souper spectacle qui nous a permis de les remercier pour les nombreux services rendus, en particulier pour leur aide lors de notre déménagement.

Avec une bonne trentaine de minutes de retard, André Sauvé est apparu sur la scène comme un lutin dans un monde trop grand pour lui. Il est d’une maigreur surréaliste et s’en moque éperdument. Mais à la fin du spectacle, il avait l’air d’un géant. C’est tout dire.

Je suis très difficile en humour. Au Québec, on a droit à une variété d’humoristes, mais pour ce qui est de la qualité, il faut savoir choisir. Et mon choix s’est porté sur André Sauvé parce qu’il a trouvé mon point H. H pour hilarité. Je n’ai jamais autant ri en une soirée! J’ai ri aux larmes, j’ai ri à en oublier de respirer.

Incomparable – bien que mon copain l’ait comparé à Yvon Deschamps – ce nouveau venu dans le monde de l’humour va certainement laisser sa marque. Son premier spectacle n’est pas parfait, mais il révèle le talent d’un grand comique qu’on n’est pas prêt d’oublier. Et pour moi, c’est un coup de cœur.

Les sujets qu’il a choisis ne sont pas banals et s’écartent des habituels propos sur l’actualité, la politique ou la vie de couple, que la plupart des humoristes affectionnent. L’originalité d’André Sauvé lui vient de son expérience de vie et ça se sent. Et même si le flot de paroles qu’il déverse au rythme d’une toupie qui s’affole finit par nous étourdir, il réussit à nous toucher droit au cœur lorsque soudainement il s’apaise pour nous inciter à réfléchir sur le vrai sens de la vie. Le public est touché. L’artiste a atteint son but. Rire autant m’a fait le plus grand bien.



****


Pendant la nuit, l’amoureux de ma fille, qui dormait chez nous, s’est levé pour se rendre à son travail. Il commençait à 3 heures du matin. Pour s’y rendre, il avait emprunté la bicyclette de mon copain, sans se préoccuper de gonfler les pneus qui en avaient grand besoin. C’est donc à 2 heures 30 que ma fille m’a réveillée pour m’annoncer qu’il n’arrivait pas à gonfler les pneus de la bicyclette.

Le jeune homme était désemparé et avait vraiment besoin d’aide. Je me suis levée, et je lui ai offert d’aller le reconduire à son travail, à une vingtaine de minutes en voiture. Il semblait surpris, mais ravi. Il faut dire que j’ai un peu l’habitude de ces trajets dans la nuit, car j’ai souvent dû aller chercher ma fille alors qu’elle m’appelait au secours dans des situations semblables. Je n’ai jamais hésité à le faire quand il le fallait. C’est bien plus simple comme ça et ça me permet de dormir tranquille ensuite.

Je dois dire aussi que ce sont des moments privilégiés. Car j’en profite toujours pour « faire la conversation » et c’est souvent dans des occasions semblables que j’ai créé les rapprochements qui m’ont permis de traverser des périodes plus difficiles avec ma fille. Cette fois-ci, c’est son ami qui m’a confié qu’il avait réellement besoin de faire des heures supplémentaires pour boucler son budget. Il a ajouté qu’il voulait aussi gagner un peu plus d’argent pour célébrer l’anniversaire de ma fille. Je me suis permis de lui faire remarquer que le plus beau cadeau qu’il pouvait lui faire, c’est sa présence, faisant ainsi allusion à son manque de délicatesse l’an dernier, alors qu’il avait refusé de l’accompagner au souper familial à cette occasion. Tous les cadeaux du monde ne remplacent pas la présence de ceux qu’on aime.