dimanche 4 septembre 2011

Compliqués

On a beau idéaliser l’amour, les êtres humains, dans toute leur complexité, sont des êtres foncièrement égoïstes et parfois très méchants.

Nos nouveaux voisins sont violents, irrespectueux, bruyants. Ils nous réveillent la nuit, se sont bagarrés en pleine rue, font jouer de la musique à tue-tête, dans un quartier pourtant bien tranquille avant leur arrivée. Je ne comprends toujours pas pourquoi ils sortent dehors, sur leur balcon, pour vociférer dans leur téléphone cellulaire, comme si le monde entier devait les entendre. Ces gens manquent de respect. Mais le respect, ce n’est pas très important n’est-ce pas?

Et pourtant.

J’ai passé une très belle journée en compagnie de mes amies d’enfance et de ma sœur. Nous avons marché dans notre ancien quartier où, justement, tout était si paisible. Les gens prennent soin de leur maison. Nous nous sommes assises sur les marches du balcon de la maison où je suis née, pour prendre une photo. La photo du « club des 4 », pour la comparer à celle qui date de 1974. Trente-sept ans plus tard…

Nous nous sommes inévitablement remémorés les mauvais coups de notre adolescence. Tant de souvenirs sont rattachés à ces lieux. Ici, le restaurant du coin où nous allions siroter un café pendant des heures, pour passer le temps. La serveuse était bien patiente et ne nous a jamais fait nous sentir « de trop ». Heureusement! Qu’aurions-nous fait si nous n’avions pas pu nous réunir là? Aujourd’hui, le resto du coin est transformé en restaurant de cuisine « fusion ».

L’hôtel où, plus tard, nous avons passé toutes nos soirées à boire de la bière ou des cocktails a complètement disparu. Il ne reste qu’un terrain vague où rien n’a encore été construit. Même chose pour la boulangerie. On aurait cru pourtant sentir encore l’odeur du pain frais qui a enivré notre jeunesse.

L’une d’entre nous, dont le cœur est maintenant fragile, avait peine à nous suivre. Sera-t-elle à notre prochaine rencontre? Impossible de ne pas y penser.

Nous avons terminé notre promenade sans elle. Au bord de la rivière, les canards étaient nombreux à nous accueillir, mais nous n’avions rien pour les nourrir. Le paysage nous a semblé un peu triste. Assises sur un banc de bois, elles ont beaucoup parlé et j’ai beaucoup écouté. C’était une journée comme ça, pour moi, une journée où je n’avais pas très envie de parler.

Je suis rentrée à la maison après avoir fait quelques courses. C’est peut-être le temps orageux, le vent, la pluie, l’humidité qui sait? Mais il y avait dans l’air une sorte de tension qui m’a donné l’envie de ne pas être là. Parfois je n’ai ma place nulle part. Parfois je suis peut-être à la limite de ma capacité à respirer l’air des autres. Parfois j’étouffe. Et au lieu de me prendre dans ses bras, il me repousse.

Les êtres humains sont très compliqués.

jeudi 4 août 2011

Ici et maintenant

Ma première pensée juste avant de me lever ce matin : il me reste 4 jours de vacances, en incluant la fin de semaine. Deux semaines à la maison, seule, m’auront permis de refaire le plein d’énergie et surtout de ce silence qui me manque tant. Le temps de me retrouver, d’apprivoiser le vide sans essayer de le remplir. Laisser entrer la mélancolie, la tristesse, l’ennui. Car il y a en effet un peu de tout ça dans ma vie, et ça n’a rien d’exceptionnel, j’en suis bien consciente.
Je n’ai pas commencé à peindre les murs de la chambre de ma fille, comme j’avais prévu de le faire. Il  y a encore des meubles à déménager. Bien que j’aie avisé son père plusieurs jours à l’avance, dans l’espoir qu’il allait trouver du temps pour me rendre ce service, personne ne s’est manifesté. Et je n’avais pas envie de relancer. Peut-être que je n’ai pas envie tant que ça de voir disparaître les dernières traces du passage de ma fille dans cette chambre qu’elle a massacrée à sa manière pour qu’elle ressemble à autre chose qu’à une chambre de petite fille. Et puis, les vacances doivent-elles réellement servir à faire du ménage? Pas vraiment.
Bref, ces quelques jours qui me restent seront probablement semblables aux précédents. Pas trop planifiés, improvisés, relaxants et plaisants. Hier, je me suis payé un soin esthétique et un message. L’entraînement au gym qui a suivi m’a permis d’éliminer rapidement les toxines dont la libération a certainement été favorisée par le massage. Au retour, ma fille était à la maison en train d’envahir mon territoire comme elle sait si bien le faire. Ma chère fille. Même à 20 ans, elle n’a pas encore appris à recevoir un « non » comme réponse sans rouspéter comme une adolescente. Et moi, je me sens encore coupable d’imposer des limites, comme si j’avais encore besoin de cet amour filial inconditionnel pour me prouver que je suis une bonne mère. L’amour inconditionnel existe-t-il vraiment?
Chose certaine, plus j’avance en âge et plus j’accepte et je comprends que l’attachement, comme disent les bouddhistes, est une source de tristesse bien plus qu’une fontaine de joie. Et que plus je porte attention aux sentiments éprouvés dans certaines situations – quand on me manque de respect par exemple –, plus je me sens régresser. Travailler sur le détachement implique qu’on soit capable de laisser s’envoler ces sentiments « négatifs » avant qu’ils ne s’ancrent profondément et créent des dommages plus graves.
Alors j’ai appris à créer de la diversion sur le moment. En général, ça marche, car si ma fille se met vite en colère pour des niaiseries, elle sait aussi passer à autre chose rapidement sans faire de drame. Mais comme moi, elle est intense et n’aime pas qu’on lui barre le chemin. Voilà probablement pourquoi le courant électrique entre nous crée des flammèches…
Bon, ici et maintenant, je me prépare à changer de tête. Je ne sais pas trop ce que je vais faire. J’ai négligé mes cheveux depuis les vacances à Cuba et plus ma tignasse allonge, plus je me sens indécise. Tout ce que je veux c’est me sentir mieux!

dimanche 29 mai 2011

Jours gris

Plusieurs mois sans écrire. Je sais que je ne devrais pas abandonner cette habitude que j’avais prise il y a déjà quelques années. Le journal, publié ou non, demeure un moyen de m’arrêter sur ce que je vis. Cesser d’écrire, c’est un peu refuser de m’accorder cette attention. Est-ce un mauvais signe?


Ma fille a quitté le nid. En abandonnant ses études pour se consacrer au travail, elle a pris une grave décision. Il va sans dire que nous en avons discuté en long et en large. Déception de mon côté, mais espoir qu’elle a enfin trouvé une meilleure façon de découvrir ses vrais passions. Elle œuvre toujours dans l’univers de la mode, mais pas celui de cette mode qu’on enseigne dans les écoles pour préparer les jeunes à affronter la jungle. Elle n’a jamais su se conformer. Ce sera donc dans l’univers « underground » qu’elle va exercer ses talents. Mon petit ange noir (dark angel, comme nous la surnommons depuis son adolescence) a trouvé sa route et elle a décidé de se lancer. Je n’ai pas pu la retenir. Et, d’une certaine manière, je comprends. Ce n’est pas en un seul paragraphe que je pourrais tout expliquer ce qui a traversé mon esprit durant ces derniers mois, mais je pense que c’est facile à déduire.


Pas de grand chambardement côté travail. De nouvelles recrues amènent un vent de fraîcheur dans nos bureaux, où l’atmosphère est un peu lourde. Une collègue vit présentement des moments très difficiles. Bien que nous l’ayons vue traverser l’épreuve de la maladie de son mari avec courage, nous sommes maintenant soulagés qu’elle prenne congé, puisqu’elle est physiquement incapable d’accomplir son travail. Elle est totalement épuisée.


Je me suis sentie personnellement très affectée par cet événement. D’abord, parce que j’ai été confrontée pour la première fois à une réalité dont je soupçonnais peu les conséquences sur la vie d’une « aidante naturelle ». J’avais bien sûr connu plusieurs personnes qui ont dû s’occuper de leurs parents. Mais dans ce cas-ci, il ne s’agissait pas d’une personne âgée en fin de vie. Il s’agit d’un conjoint, encore jeune, avec qui ma collègue avait planifié une retraite dans plusieurs années. Comme la plupart des couples dans la cinquantaine, ils faisaient des projets; ils comptaient travailler encore quelques années et voyager…


Je pense que la maladie est pire que la mort.


Hier, nous assistions aux funérailles d’une dame décédée subitement à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Une dame qui, même à cet âge, était en pleine forme et faisait encore des projets. La famille était atterrée. Pourtant, tous s’accordaient à dire que cette mort sans souffrance est hautement préférable à une longue agonie.


Au cours de la cérémonie, je pensais à ceux que j’aime. Je pensais à la peine de voir mourir quelqu’un qui n’a pas terminé sa vie, quelqu’un à qui on enlève cette chance de boucler la boucle. La maladie, c’est ça : un point de rupture, la brusque interruption d’un élan, la fin d’un parcours avant d’avoir atteint son but.


Et le printemps qui n’arrive pas…


Il me reste une petite semaine de travail avant de m’envoler au soleil avec mon chum. Je me promets de déconnecter, de respirer à plein poumon l’air marin, pour me sentir vivre, vibrer, exister… Et je promets d’écrire plus souvent.

samedi 19 février 2011

Respirer

J’ai vu mon médecin cette semaine. Rendez-vous annuel habituellement expédié en vitesse par le doc; cette fois-ci, je l’ai senti ouvert, calme, disponible. Il avait même relu mon dossier et pris connaissance des résultats des tests que j’avais subis l’an dernier. Examens sanguins de routine et coloscopie. Tout était beau.

Je suis sortie ravie de ce bref échange qui m’a rassurée à tout point de vue. Parce qu’avoir la chance d’être suivie pas un médecin de famille, comme je le suis, n’est pas donné à tout le monde. Aussi bien se sentir en confiance et entre bonnes mains!

Je suis donc en bonne santé (je ne dis pas parfaite, parce qu’il y a toujours place à l’amélioration). Je continue à fréquenter régulièrement une massothérapeute et j’ai également consulté un ostéopathe pour régler un problème de douleurs aux articulations. J’ai été ravie des traitements que j’ai reçus et vite soulagée. Alors voilà pour le corps, parlons maintenant de l’esprit…

Je ne change pas. J’aspire toujours à un degré d’évolution que je n’ai pas encore atteint. Disons que j’espère nourrir mon âme et que je n’ai pas trouvé l’épicerie. Drôle d’image, mais bon, c’est celle qui me vient à l’esprit. Évolution peut paraître prétentieux. Je pourrais dire que je cherche l’inspiration, la plénitude, l’abandon. Je cherche à équilibrer ma vie pour que ce côté de moi puisse trouver une satisfaction. Je n’ai pas trouvé. Pas encore.

Pareil pour mes lectures. J’entends souvent les gens autour de moi se pâmer pour tel ou tel livre, encenser un auteur. Je n’arrive pas, et de depuis longtemps, à ressentir autre chose que ce qu’on ressent quand on regarde un bon film : la sensation d’avoir été distrait, diverti pendant quelques heures. Je ne ressens pas l’émotion que je recherche, la révélation. Je suis blasée. Comme c’est triste.

On soulignera bientôt mes vingt-cinq ans de service chez mon employeur. En fait, j’entame ma vingt-sixième année. La moitié de ma vie. C’est bizarre. Je ne m’ennuie pas. Il faut croire que de ce côté, je n’aime pas le changement.

Récemment, j’ai revue une ancienne copine avec qui j’ai fait mes études au cégep. Retrouvée grâce à un site bien connu. Nous ne nous étions pas revues depuis plus de trente ans. Nous nous sommes rencontrées dans un petit café et elle m’a raconté. Elle souffre de sclérose en plaques, une maladie que je connaissais très peu. Elle m’a expliqué. Elle a encore des étincelles dans les yeux, dans ses beaux yeux bleus qui se remplissent de larmes lorsqu’elle parle de son conjoint qui la soutient et sans qui elle n’aurait pas pu accepter cette maladie si sereinement.

Sa vie, avec la maladie, et la mienne, en santé, n’ont plus le même sens que lorsque nous avions dix-huit ans et que notre avenir se dessinait petit à petit. Et pourtant, nous nous sommes senties toutes les deux comme les jeunes filles que nous étions à l’époque : entre nous, rien n’était compliqué et les fous rires étaient nombreux.

Mon ostéopathe m’a recommandé de respirer. Je sais que je respire à demi. Mon chum me dit que la nuit, je cesse parfois de respirer. Est-ce possible? Mon doc m’a demandé de respirer profondément pour écouter mes poumons. J’aimerais bien écouter mes poumons un de ces jours. Peut-être qu’ils me remercieraient d’avoir cessé de fumer…

La tête me tourne quand je respire profondément.

Ce soir, j’assiste à un concert. Une chanteuse d’opéra qui devra certainement bien respirer pour tenir le coup toute seule devant un orchestre. Je devrais peut-être me remettre à chanter…