dimanche 29 mai 2011

Jours gris

Plusieurs mois sans écrire. Je sais que je ne devrais pas abandonner cette habitude que j’avais prise il y a déjà quelques années. Le journal, publié ou non, demeure un moyen de m’arrêter sur ce que je vis. Cesser d’écrire, c’est un peu refuser de m’accorder cette attention. Est-ce un mauvais signe?


Ma fille a quitté le nid. En abandonnant ses études pour se consacrer au travail, elle a pris une grave décision. Il va sans dire que nous en avons discuté en long et en large. Déception de mon côté, mais espoir qu’elle a enfin trouvé une meilleure façon de découvrir ses vrais passions. Elle œuvre toujours dans l’univers de la mode, mais pas celui de cette mode qu’on enseigne dans les écoles pour préparer les jeunes à affronter la jungle. Elle n’a jamais su se conformer. Ce sera donc dans l’univers « underground » qu’elle va exercer ses talents. Mon petit ange noir (dark angel, comme nous la surnommons depuis son adolescence) a trouvé sa route et elle a décidé de se lancer. Je n’ai pas pu la retenir. Et, d’une certaine manière, je comprends. Ce n’est pas en un seul paragraphe que je pourrais tout expliquer ce qui a traversé mon esprit durant ces derniers mois, mais je pense que c’est facile à déduire.


Pas de grand chambardement côté travail. De nouvelles recrues amènent un vent de fraîcheur dans nos bureaux, où l’atmosphère est un peu lourde. Une collègue vit présentement des moments très difficiles. Bien que nous l’ayons vue traverser l’épreuve de la maladie de son mari avec courage, nous sommes maintenant soulagés qu’elle prenne congé, puisqu’elle est physiquement incapable d’accomplir son travail. Elle est totalement épuisée.


Je me suis sentie personnellement très affectée par cet événement. D’abord, parce que j’ai été confrontée pour la première fois à une réalité dont je soupçonnais peu les conséquences sur la vie d’une « aidante naturelle ». J’avais bien sûr connu plusieurs personnes qui ont dû s’occuper de leurs parents. Mais dans ce cas-ci, il ne s’agissait pas d’une personne âgée en fin de vie. Il s’agit d’un conjoint, encore jeune, avec qui ma collègue avait planifié une retraite dans plusieurs années. Comme la plupart des couples dans la cinquantaine, ils faisaient des projets; ils comptaient travailler encore quelques années et voyager…


Je pense que la maladie est pire que la mort.


Hier, nous assistions aux funérailles d’une dame décédée subitement à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Une dame qui, même à cet âge, était en pleine forme et faisait encore des projets. La famille était atterrée. Pourtant, tous s’accordaient à dire que cette mort sans souffrance est hautement préférable à une longue agonie.


Au cours de la cérémonie, je pensais à ceux que j’aime. Je pensais à la peine de voir mourir quelqu’un qui n’a pas terminé sa vie, quelqu’un à qui on enlève cette chance de boucler la boucle. La maladie, c’est ça : un point de rupture, la brusque interruption d’un élan, la fin d’un parcours avant d’avoir atteint son but.


Et le printemps qui n’arrive pas…


Il me reste une petite semaine de travail avant de m’envoler au soleil avec mon chum. Je me promets de déconnecter, de respirer à plein poumon l’air marin, pour me sentir vivre, vibrer, exister… Et je promets d’écrire plus souvent.