Depuis que ma fille a quitté la maison, j’ai installé mon
bureau dans sa chambre. Il y a maintenant de la place pour le piano
électronique auquel je n’avais pas touché depuis vingt ans. J’ai décidé de m’y
remettre. Juste pour le plaisir. J’ai sorti mes cahiers d’apprentissage et j’apprends
à lire, un jour à la fois. Mes écouteurs sur les oreilles, je ne dérange
personne. Je suis dans mon petit monde, juste moi et la musique.
Dimanche dernier, je suis allée au cinéma avec ma fille.
Encore quelque chose que je n’avais pas fait depuis plusieurs années. Aujourd’hui,
elle n’a plus « honte » de dire à ses amis qu’elle va au cinéma avec
sa mère, mais elle m’a avoué candidement que lorsqu’elle était adolescente,
elle ne voulait être vue en compagnie de sa maman, surtout pas au cinéma où les
jeunes se rassemblent pour faire la file. C’est un plaisir maintenant que d’avoir
dépassé ce stade et de pouvoir à nouveau se retrouver elle et moi devant un bon
film avec un sac de maïs soufflé.
Elle a pleuré beaucoup, moi un peu moins. Le film – Extrêmement fort et incroyablement près –
nous raconte l’histoire d’un jeune garçon qui a perdu son père dans les
attentats du 11 septembre. Mais c’est surtout l’histoire d’une quête. La clé au
cou (symbolique quand même), l’enfant part à la recherche de la serrure qu’elle
ouvrira, convaincu que son père lui a laissé une énigme à résoudre. Comme dans
toutes les quêtes, il y a une part de découragement, de belles rencontres, une
réflexion. Souvent, ce n’est pas ce qu’on trouve au bout de la quête qui donne
du sens à notre vie, mais les épreuves qu’on a dû traverser pour y arriver et
les personnes qui nous ont aidés.
Je constate avec bonheur que ma fille développe ses talents
artistiques dans plusieurs domaines. Elle explore. Elle s’entoure de gens qui
lui ressemblent, des êtres colorés (elle a les cheveux bleus ces temps-ci); une
jeunesse belle à voir, créative, intuitive, branchée sur tous les réseaux de la
vie pour ne pas manquer de courant. J’aime les jeunes.
Mon chemin est parallèle. Je marche un peu plus lentement.
Moins inquiète pour l’avenir, plus confiante, un peu plus ancrée dans le
présent. Ça calme mon anxiété. Mais comme un monstre caché sous le lit, elle me
guette, je le sais.