Mon œil de correctrice passablement indulgent envers les gens qui ne font pas le métier de rédacteur avait bien décelé ces erreurs orthographiques. Mais jamais je ne me serais permis de corriger ces fautes, par respect pour la personne qui a pris la peine de rédiger la note et dont le métier n’exige pas nécessairement de connaître la grammaire sur le bout des doigts. Parlant de doigts, je connais un garçon qui a déjà dit à son père qu’il se couperait les doigts si celui-ci l’obligeait à finir son secondaire. Le jeune homme voulait être camionneur et détestait l’école. Aujourd’hui, il a encore ses dix doigts parce que son père a compris que son fils avait un métier et qu’il n’avait pas envie de devenir écrivain… Mais ça, c’est une autre histoire.
Je n’aime pas Victor-Lévy Beaulieu parce que je le trouve prétentieux et qu’il agit comme un terroriste qui ne sait plus où donner de la bombe. Ses colères et ses coups de gueule ne m’impressionnent pas. J’ai honte pour lui. Quant à Sergio Kokis, qui hier a suggéré que Pauline Marois avait besoin de passer un test de français (qu’est-ce qu’ils ont tous à s’en prendre à elle tout à coup?) et qui a insinué que le français n’avait pas évolué au Québec, et bien je lui suggère de visionner quelques archives de Radio-Canada pour constater combien, dans les médias comme dans la rue, notre langue a évolué à mesure que nous avons eu accès à l’éducation. Et c’est bien là la clé de la porte que Monsieur Kokis n’a pas encore ouverte, celle de l’esprit (ouverture de l’esprit, tsé veux dire).
Et je termine en appuyant Madame Marois, que je respecte, lorsqu’elle suggère que l’enseignement de l’anglais au primaire devrait se faire par l’immersion, en fin de parcours. J’ajouterais qu’il devrait aussi demeurer un choix pour l’élève et non une obligation. Il y a quelques années, du haut de ses dix ans, ma fille a déclaré « l’anglais, c’est important pour mon avenir » et a choisi le programme intensif en anglais pour terminer son primaire. J’aurais préféré qu’elle choisisse les arts, mais je me suis pliée à sa décision. Cet avenir ne m’appartient pas, c’est le sien.
L’apprentissage et l’amélioration de la qualité du français passent par l’écriture, la lecture, la culture. Je ne pense pas que cet écrivain soit la bonne personne pour juger de l’ensemble des aptitudes de la population québécoise à bien parler sa langue. Cette langue, justement, c’est la nôtre. Ce qui veut dire qu’elle a le bleu du fleuve, le froid de l’hiver, le craquement du verglas… Elle chuinte, elle sile, elle crisse, elle grince, elle respire, elle vit. Et tout ce qui est vivant doit bouger. Ceux qui veulent rester sur place n’ont qu’à bien se tenir.