J’ai perdu la main. Écrire si peu souvent rend même difficile
la décision de s’assoir devant l’écran et de se laisser aller. Je n’ai pas d’inspiration.
Il y a toujours une partie de moi qui fonctionne sur le pilote automatique. J’ai
donc très peu évolué en écriture. Parce que je ne me donne pas la peine, je ne
m’accorde pas le temps qu’il faut pour écrire. Pour écrire il faut du temps. Il
faut aussi de l’inspiration. Ça, parfois, j’en ai. Mais je m’autocensure
constamment, si bien que rien ne sortira jamais si je continue comme ça.
Mon auteure québécoise préférée, Marie-Sissi Labrèche,
disait en s’excusant mille fois que ce qu’elle écrit « n’est pas tout[te]
vrai ». Cette fameuse tendance qu’ont les critiques, les éditeurs aussi, à
cataloguer sous l’étiquette « autofiction » tout ce qu’un auteur
écrit au « je » me tombe un peu sur les nerfs. C’est à cause de ça que
les psys à cinq sous ont tenté d’interpréter les écrits ne Nelly Arcan, comme
si tout était vrai, calculé, craché sur les pages pour condamner l’humanité.
Ne pas s’autocensurer, c’est vraiment difficile. Parce que
ça fait mal d’écrire sa souffrance, ses contradictions, ses peurs, ses
angoisses, même si on en rajoute, même si on se cache sous les traits d’un
personnage qui lui est protégé par une couverture. Sous la couverture d’un
livre, d’un cahier, les mots sont en sécurité. L’auteur n’est plus là quand le
lecteur ouvre le livre et tourne les pages. Il est déjà ailleurs. Le lecteur
est un témoin du passé.
Alors est-ce qu’écrire sur un blogue, ici, peut sembler plus
dangereux? Plus compromettant? Plus… , je cherche le mot…, plus… osé? Intime?
Risqué? Impudique? Le pseudonyme peut encore servir de bouclier. C’est lui le
personnage. Même s’il porte toutes mes caractéristiques, il n’en demeure pas
moins que je pourrais le faire disparaître du jour au lendemain. Ophélie s’existerait
plus.
J’y ai pensé. Parce qu’au fond, les pseudonymes ne sont plus
très à la mode. Aujourd’hui, ce qui est à la mode, c’est la réalité. À la télé,
à la radio, et aussi dans les romans. Encore l’autofiction. On n’en sortira
jamais.
Devrais-je donc m’y mettre? Est-ce vraiment la seule façon,
la plus facile en tout cas, d’écrire un premier récit? Peut-on comparer l’écrivain
à l’investisseur? Il ne devrait investir que dans ce qu’il connaît bien… J’en
doute. Parce que l’imagination est un merveilleux véhicule qui permet de
voyager dans le temps, dans l’espace, sans aucune contrainte. C’est elle qu’il
faut nourrir.