dimanche 10 janvier 2010

Le sourire de Lhasa


Photo: Ivanoh Demers, La Presse


Un article paru dans une revue, au moment de la sortie du troisième album de Lhasa de Sela, révélait que la chanteuse traversait une période difficile. L’article n’en disait pas plus, mais j’avais compris à ce moment-là que l’artiste demeurait discrète et souhaitait qu’on ne s’étende pas sur le sujet de cette maladie qu’elle combattait.

La nouvelle de son décès a provoqué chez moi un long moment de réflexion et de recueillement en silence. Puis, le seul mot qui me soit venu à l’esprit fut : Pourquoi?

Le cancer du sein est une maladie dont on parle beaucoup, dont on a beaucoup parlé et dont on parlera certainement encore beaucoup. Si plusieurs femmes y survivent, plusieurs en meurent encore aujourd’hui. Et toutes les femmes, sans exception, ont peur que cela leur arrive un jour.

Lhasa de Sela n’a pas parlé de sa maladie en public. Elle n’a pas mené son combat en faisant la une des magazines. Et curieusement, lorsqu’on regarde comment les médias ont traité la nouvelle, j’éprouve un sentiment que j’éprouve souvent en lisant les journaux : la honte.

J’ai honte de voir à quel point les journalistes et le public se sont renvoyé la balle pour s’insulter avec mépris autour de cet événement qui aurait dû provoquer la réflexion et être traité dans le respect. J’ai honte qu’on permette à des gens de s’exprimer sur les ondes de la radio pour dire des idioties et qu’en plus il y ait un public pour applaudir la médiocrité. J’ai honte qu’on puisse encore aujourd’hui entendre et lire des réflexions insensées, des insolences, des jugements gratuits. J’ai honte du manque de culture qu’on glorifie, et du nivellement par le bas qui est en voie de devenir la norme. J’ai honte du laisser-aller, de l’hypocrisie, du manque de rigueur.

Si l’attention médiatique n’avait pas été essentiellement dirigée sur ce qu’a dit l’un, ce qu’a fait ou n’a pas fait l’autre, ce qu’a écrit l’un et ce qu’a répondu l’autre, on aurait peut-être rendu hommage à cette artiste, comme elle l’a mérité. Et on aurait pu, avec la famille, faire notre deuil en silence, en écoutant Lhasa nous bercer et en fixant dans nos mémoires l’image de cette chanteuse vivante, souriante et merveilleusement chaleureuse.

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