mercredi 13 juin 2007

Agent de conversation

Ce matin, en entendant ce charmant lapsus commis par une fillette dans une publicité, je me suis sentie particulièrement inspirée. J’avais envie d’écrire, mais je devais me rendre au travail.

À la radio, une psychologue parlait de l’importance de la présence du père dans la vie d’un enfant. « Chacun porte son père en soi », disait-elle. Le père joue un rôle de baliseur. Il aide l’enfant à définir sa personnalité, à prendre de l’assurance, à avoir confiance en lui. Je me suis dit que quelque part, la petite fille de huit ans qui a perdu son père avait très vite appris à marcher toute seule et qu’elle n’avait pas cherché (trouvé?) de substitut à ce père disparu.

Plus tard, au cours d’une discussion, une collègue m’a fait réfléchir sur le sens du mot «  personnalité  ». Je lui avouais humblement que ma personnalité au travail ressemblait assez peu à ma personnalité en dehors de ce milieu. Au fond, je devrais plutôt parler de « personnage ».

Je fais comme les artistes, je protège ma vie privée. Néanmoins, je réalise qu’il m’est difficile de laisser tomber cette carapace que je me suis forgée pour affronter le milieu de travail dans lequel j’évolue. Et puis, c’est bien difficile de se faire de vrais amis au travail, de se confier et de s’ouvrir à des gens que l’on côtoie tous les jours. Je l’ai fait une fois et je l’ai regretté.

Mais il m’arrive tout de même d’avoir des conversations très enrichissantes avec des collègues, comme celle de ce matin, au cours de laquelle j’ai réalisé à quel point je suis apte, aujourd’hui, à mieux définir qui je suis. C’est parce que je me suis entraînée à accéder à mes émotions et à les analyser pour mieux les définir et les comprendre que j’ai franchi les plus grandes étapes. Et ce n’est pas nécessairement simple, mais tout à fait possible.

Dans ce journal, je reviens périodiquement sur ce sujet, parce que certains événements m’obligent à faire le point. Hier, j’ai appris que le père de ma fille allait encore une fois déménager. Encore une fois un peu plus loin. Pas suffisamment loin pour que la distance devienne un problème et remette en question notre entente de garde partagée, mais suffisamment loin pour que ma fille ne puisse plus parcourir la distance entre nos deux appartements à pied.

Cet éloignement me trouble, parce qu’il m’oblige à envisager l’inévitable. Tôt ou tard ma fille n’habitera plus avec moi. Elle choisira peut-être de vivre avec son père, ou avec son copain, mais je doute qu’elle choisisse de vivre avec moi. Et j’en éprouve inévitablement de la peine. Une grande peine.

Je n’ai pu m’empêcher de penser au jour où j’ai moi-même quitté la maison familiale. La relation très tendue entre ma mère et moi et le manque de communication ont rendu cet événement encore plus difficile à vivre. Je pense que la douleur que j’éprouve en revoyant la scène m’oblige à effacer ces souvenirs. Tout s’embrouille, il vaut mieux oublier.

Il m’arrive aussi – comme c’est arrivé hier soir pendant une conversation avec mon copain – d’avoir l’impression d’être totalement incomprise. Chose certaine, j’ai appris à tempérer suffisamment ma colère pour l’exprimer correctement, la ressentir sans la laisser me dominer et rationaliser les émotions qui veulent parfois me submerger. J’ai appris à dire ce que je ressens.

Maintenant, je dois apprendre à m’adapter au changement, à cesser de m’apitoyer sur mon sort lorsque les gens me déçoivent et à diminuer mes attentes. Je ne dois pas me mettre en colère parce que quelqu’un ne fait pas ce que je crois qu’il devrait faire. Je ne peux substituer ma volonté à celle d’un autre. Je ne peux insuffler l’ambition, la persévérance, la foi et la confiance en soi à ceux qui n’en ont pas. Je ne peux même pas montrer le chemin, parce que chacun doit prendre un chemin différent pour s’accomplir. Et je n’ai pas la carte de ce monde.

Cela dit, je peux tout de même semer de petites graines et espérer qu’elles poussent. Recommander une lecture, écouter, discuter en évitant les bavardages qui ne mènent nulle part. Devenir, en quelque sorte, un agent de conversation…

3 commentaires:

Beo a dit...

Joli lapsus oui!

Bah; ta grande fille sera bientôt autonome non?

Laisse ton ex faire ses petits manèges et surtout ne t'en fais pas.

Moi je vois bien que ta relation avec ta grande fille est tout à fait normale. Faite de petits conflits, d'interdits et de tellement d'amour!!!

Pour les collègues c'est pareil partout je crois. J'ai passé ma journée de mardi à me dire intérieurement: tais-toi... laisses-les parler eux... des fois je prends trop de place et pourtant c'est ce qu'ils veulent!!!

Mais on se fait prendre au piège parfois :(

Ophélie a dit...

À chaque jour suffit sa peine, au boulot comme à la maison. Mais dans tous les cas je remercie le ciel pout tout ce que j'ai, même si je bougonne un peu parfois :-)

Beo a dit...

Ouf... bougonner c'est rien! Si tu verrais à quoi je suis confrontée parfois!

Juste ce soir à la rencontre de condos: ils ont réduit mon plaisir à néant! En 2 minutes! Et je te dis pas pour Postit!!!